top of page
Rechercher

Qui aime la Lune finit dans les dunes


Nicéphore marche au bord de l’eau. Il est nuit, nuit d’encre, nuit féline. Pour lui même, il fredonne un air enfantin. Une histoire de poulette, roussette, qui pond ses œufs délicieux quelque part dans les cieux. Et il en est heureux. Nicéphore est laid. Il est né faciès démon, cœur d’ange. On le fuit aussitôt le jour caresse sa face. Alors, le pauvre et gentil bougre s’en va du crépuscule à l’aube, poète souvent, candide surtout. Son corps est pourtant loin de manquer d’atouts, et sa toge serrée à la taille laisse paraître, saillantes, musculature puissante. Tout de rêveries et de traces déposées dans l’humide de la plage, le nez aux étoiles, il s’en vient à se parler à lui même :

- Que fait donc la Sélène lorsqu’elle n’éclaire pas et le ciel et l’océan ? demande sa voix douce et grave.

– Elle s’assoit sur la jetée et te regarde, mon jeune ami.

Nicéphore sursaute, par réflexe détourne son visage, fixe le sol, vibrant encore d’émotion d’avoir entendu ces intonations féminines s’adresser directement à sa détestable personne.

– Mensonges, bredouille-t-il finalement.

– Telle déesse ne perdrait nullement son temps à porter intérêt à un pauvre bougre aussi laid que moi, ajoute-t-il, le souffle presque coupé.

Un silence s’abat sur sa nuque, laissant les vagues fredonner leur répétitif refrain. C’est un rire qui vient briser le malaise de notre tendre Nicéphore. De petits éclats fragiles, délicieux, d’une musique joyeuse de pur bonheur serait plus juste. Le cœur au point de céder, il ose tout de même relever légèrement le museau pour entrapercevoir la source de cette incroyable mélodie de félicité.

– Ah ! crie-t-il, se reculant soudain, cachant sa tête derrière ses bras comme si un coup létal lui est promis.

Elle s’est approchée, si près, si près, qu’il peut l’entendre respirer.

– Non... non madame la Lune, non sublime déesse, ne me regardez pas. Je ne suis digne de vos yeux, de votre splendeur.

– La... la, Nicéphore. Tu te doutes bien que ton visage tendu chaque nuit vers moi, à fredonner ou à réciter poème, j’ai eu le temps de le contempler encore et encore. Ne te cache pas mon ami, ne te cache plus, cajole la divinité opalescente.

Se sentant minuscule et indécis, il se laisse apprivoiser, tremblant et ému. Elle le frôle tendrement. L’enlace avec une si délicieuse chaleur. Rien ne peut préparer le doux agneau, innocent de toutes les choses de la vie, aux réactions et de son âme et de son corps. Une bergère l’aurait mis à genou, alors, pensez-vous, une déesse…

Leur baiser dans l’écrin de cette nuit immobile, léché d’écume marine, enflamme Nicéphore comme en plein zénith. Sans bien comprendre ce qui se dresse, fiévreux et puissant, en lui, il se laisse emporter vers les collines de sable. Suivant, aveuglé d’émotion, l’argentée silhouette d’une Séléné très amusée, et peut être même attendrie en toute sincérité.

Oh oui, c’est donc vérité, qui aime la Lune… finit dans les dunes.


12 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page